« La voiture est un moyen d’attirer et de retenir des talents »
Plongeons-nous un peu dans l’histoire. Comment s’est développée l’offre de leasing au Luxembourg ?
Les premières solutions de leasing sont arrivées au Luxembourg au milieu des années 80 avec Hertz Leasing, aujourd’hui, ALD. Les débuts ont été assez difficiles. Les patrons ne voyaient pas vraiment l’avantage de cette solution. Ils la réduisaient à une solution de financement. Il a fallu beaucoup de pédagogie pour expliquer qu’il s’agissait surtout d’une solution de service, à la fois pour l’entreprise et les salariés. Le leasing opérationnel permet à la fois de ne pas mobiliser de moyens financiers de l’entreprise, d’intégrer tous les coûts d’usage du véhicule, de simplifier la gestion et en même temps de couvrir les risques comme la valeur résiduelle, les réparations ou l’entretien.
Le développement du leasing opérationnel a pris son essor avec l’arrivée de nouveaux acteurs au milieu des années 90. Il a été parallèle à la progression du marché du travail. La voiture de fonction était, et reste toujours d’ailleurs, un moyen d’attirer les talents au Luxembourg et de les retenir.
Faire le choix d’une voiture de fonction pour un employé reste-t-il avantageux ?
Si l’on parle de la fiscalité de l’avantage en nature au sens strict, c’est rédhibitoire. Le Luxembourg est l’un des pays où cet avantage est le plus taxé. À l’inverse, la taxe de roulage reste modérée et l’écomalus n’existe pas. La voiture de fonction bénéficie aussi de remises plus importantes à l’achat. L’entretien d’un véhicule coûte extrêmement cher mais il est couvert.
Au-delà de l’aspect financier, il faut aussi considérer le confort qu’apporte un véhicule de fonction en leasing. Son utilisateur ne s’occupe de rien. Pas d’entretien, pas de pneumatiques, pas d’assurance à gérer soi-même, tout est compris. Enfin, le collaborateur bénéficie toujours d’un véhicule récent avec les meilleures technologies en matière de sécurité, de confort ou d’impact sur l’environnement.
L’État luxembourgeois favorise les modèles électriques au niveau fiscal. Est-ce souhaitable ?
La volonté à terme est de pousser tout le monde vers l’électrique. Mais aujourd’hui, on peut toujours faire le choix de la motorisation que l’on préfère. L’avantage en nature est différent mais il faut toutefois relativiser. Il est utile de calculer l’impact. On parle dans certains cas d’une différence de quelques dizaines d’euros par mois sur le salaire net.
Toutefois, dès 2025, si l’avantage en nature pour les motorisations thermiques passe à 2 %, pour les véhicules électriques il sera doublé et donc deux fois plus intéressant. Les calculs ne seront plus les mêmes. Nous comprenons que les autorités souhaitent stimuler la mobilité électrique, mais il est très dommageable qu’elles poussent sans tenir compte des aspects annexes. Je pense notamment à la possibilité de chargement en entreprise ou à domicile, la plupart des résidences ne seront jamais correctement équipées, pour ne citer que cet exemple. Pour nous autres loueurs, la question se pose aussi en termes de valeur de revente. Nous prenons énormément de risques. Dans un avenir assez proche, comment revendre un véhicule devenu peu attractif voire obsolète en raison de l’évolution technologique ?
Quoiqu’il en soit, nous jouons le jeu de l’électrique en proposant des solutions complètes qui simplifient la vie de nos clients. Nous intégrons même l’installation des bornes de recharges à domicile et la gestion des coûts de rechargement en réseau public ou à domicile. Aujourd’hui la part des commandes de leasing portant sur des véhicules électriques se situe entre 30 et 40 %.
Comment sera taxé l’usage privé des véhicules de fonction à l’avenir, notamment pour les frontaliers ?
Vous faites référence à l’arrêt QM de la Cour de justice de l’Union européenne. Cet arrêt introduit la notion de prestation onéreuse pour la mise à disposition d’une voiture, en opposition à la mise à disposition gratuite d’un véhicule. La notion d’onéreux est sujette à interprétation. En tant qu’association regroupant une vingtaine de sociétés de location de véhicules, nous partons du principe que la majorité des véhicules de fonction tombera dans cette catégorie. Pour résumer, l’arrêt prévoit que le bénéficiaire d’un véhicule de fonction à titre onéreux doit s’acquitter de la TVA auprès de l’État où il réside lorsqu’il utilise sa voiture pour un usage privé. À noter que le déplacement domicile travail est considéré comme un déplacement privé.
Dans le cas du Luxembourg, en raison des frontaliers, quatre pays sont concernés : le Luxembourg, l’Allemagne, la France et la Belgique. Des discussions sont en cours avec le Luxembourg où les employeurs paient déjà une part de TVA non récupérable à l’Administration de l’enregistrement et des domaines pour l’usage privé d’un véhicule de fonction. Donc, pour les résidents, il devrait y avoir peu de changement. Quant à l’Allemagne, qui est à l’origine de cet arrêt, la question est tranchée. Le pays considère depuis 2014 que 100 % de l’utilisation d’un véhicule de fonction est privée. Nous attendons une prise de position de la part de la Belgique et de la France pour y voir plus clair. Nous considérons que ce dossier a largement été dramatisé et nous sommes confiants : les conséquences de l’arrêt devraient être finalement assez mineures.
Toutefois, des craintes existent quant à la date retenue pour l’application de cet arrêt. Il date en effet de 2021. Le risque est de voir des pays européens demander une application rétroactive.