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L’hydrogène à la rescousse des pros

Publié le 21/04/2023, modifié le 13/03/2024

La propulsion par hydrogène est la solution de BorgWarner pour continuer d’utiliser les moteurs à combustion interne au-delà de 2035. Explications.

Le débat autour de la fin annoncée du moteur à combustion interne fait grand bruit depuis qu’un consortium de 8 pays mené par l’Allemagne s’est opposé au projet de loi européen en mars dernier. Pour rappel, cela a abouti à un accord autorisant la vente des véhicules à moteurs thermique au-delà de 2035 à la condition qu’ils utilisent des carburants neutres en CO2. Une décision qui ouvre la porte aux carburants synthétiques neutres en carbone (efuel) et à l’hydrogène qui n’en contient pas.

Visite chez BorgWarner au centre technique de Blois

Cela nous amène à notre visite de la firme BorgWarner (BW) qui produit à Blois (France), entre autres, des systèmes d’injection essence et diesel et qui, dans ce cas précis, a développé un tout nouveau système d’injection d’hydrogène pour moteur à combustion interne. Rappelons que BMW et Mazda se sont penchés sur le sujet il y a une quinzaine d’années mais leurs moteurs manquaient cruellement de puissance par rapport à leur homologue à essence. C’est donc en s’inspirant de ces travaux que BW développe discrètement depuis 5 ans un nouveau système d’injection d’hydrogène qui gommerait les soucis rencontrés par BMW et Mazda.

Comment ça marche ?

Tout d’abord, le principe consiste à brûler de l’hydrogène dans un moteur à combustion interne en lieu et place de l’essence ou du diesel. L’hydrogène est donc injecté et mélangé avec l’air dans les cylindres du moteur pour ensuite être comprimé et finalement allumé via une bougie afin de lancer la combustion.

Dans le cas des moteurs essence ou diesel, le carburant est injecté sous forme liquide mais, pour l’hydrogène, cela se passe sous forme gazeuse. Comme la masse volumique de l’hydrogène est 8 000 fois plus faible (à température et pression ambiante) que celles de l’essence et du diesel, il convient de l’injecter sous haute pression afin de compenser ce handicap. Pour rappel, à l’époque de BMW et Mazda, les solutions d’injection d’hydrogène se faisaient sur des moteurs atmosphériques (sans turbo) et donnaient des valeurs de performance assez modestes.

Injection Haute Pression d'Hydrogène

La solution du système BW contourne ce problème en utilisant non seulement un moteur turbocompressé mais aussi un système d’injection directe haute pression. En grand spécialiste de l’injecteur de carburant (essence, diesel et gaz), BW a développé un nouvel injecteur spécialement adapté à l’hydrogène pour l’intégrer dans un système d’injection avec une gestion du moteur adaptée aux caractéristiques de ce gaz. 

Le véhicule utilitaire en ligne de mire

Afin de démontrer le bien-fondé de son concept, BW a choisi de convertir à l’hydrogène un moteur existant et a choisi le moteur 2,2 HDi turbo-diesel du groupe Stellantis qui équipe les Peugeot Boxer notamment. Après une première salve de tests réalisée sur banc moteur pour valider le bon fonctionnement du système, BW est passé à l’étape test sur véhicule en installant ce « nouveau » moteur hydrogène sur deux véhicules, un Peugeot Boxer et un Citroën Jumper.

Le choix des véhicules utilitaires légers n’est pas fortuit puisque qu’ils constituent une des cibles de cette technologie qui lorgne sur les applications utilitaires. La raison est que près de 30 % des utilisateurs de ces véhicules ne peuvent se satisfaire de la solution électrique à batterie de traction (trop contraignante en termes d’autonomie et de poids) tout en pouvant s’accommoder du volume supplémentaire imposé par les encombrantes bobonnes d’hydrogène. Cela nous indique donc que cette technologie aura peu de chance de se retrouver en l’état sur des voitures particulières compactes.

Et la magie opère

 

Les premiers tests sur banc moteur indiquaient des valeurs de performance et d’émission encourageantes et, après amélioration progressive du concept, BW atteint désormais un résultat prometteur. En effet, non seulement le but principal est atteint avec des émissions de CO2 quasi nulles (0,4 g par km) mais les émissions polluantes ont pratiquement disparu avec comme seule valeur mesurable une très faible quantité d’oxyde d’azote (NOx) bien inférieure à la limite de la future norme Euro 7.

Du côté des performances, on tourne actuellement autour de chiffres de puissance et couple de 110 ch et 250 Nm respectivement, soit des valeurs légèrement inférieures au moteur diesel de base. Des chiffres qui sont amenés à progresser avec les optimisations futures. Pour ce qui est de la consommation, BW obtient 3 kg d’hydrogène pour 100 km et 300 à 500 km d’autonomie, alors que le plein pourra se faire entre 5 et 10 minutes sur les stations d’hydrogène 350 bars.  BW annonce que le système pourra évoluer vers une pression de 700 bars de sorte à améliorer l’encombrement des bonbonnes, augmenter l’autonomie et réduire le temps d’approvisionnement.

Le défi que s’était lancé l’équipementier américain semble donc avoir été relevé avec à la clé le premier moteur à combustion interne aussi « propre », ou presque, que son penchant électrique. Afin de souligner le niveau de la performance, BW fait remarquer qu’un cycliste émettrait 6 g de CO2 par km du fait de sa respiration… Un argument imbattable !

Bien entendu cette technologie ne prendra tout son sens qu’à partir du moment où il sera possible de s’approvisionner aisément en hydrogène vert (produit à partir d’énergies renouvelables) et à des prix compétitifs. Un développement dont ne doute pas BW qui observe la mise en place prometteuse de la filière hydrogène européenne. Affaire à suivre !

Pour en savoir plus ou poser vos questions, n’hésitez pas à contacter nos spécialistes à l’adresse mobilityloft@acl.lu.

© crédit photo BorgWarner